J’ai fait un cursus pour managers dans une grande école en 5 lettres…Dois-je m’en excuser ?

Publié le par Frédéric Rey-Millet

Désolé, le titre de cet article est juste un clin d’œil à l’ouvrage de Florence Noiville : J’ai fait HEC et je m’en excuse (éditions Stock, septembre 2009).

Car le bouquin interpelle. Son propos est simple : alerter et secouer.


4 ans plus tôt, un des grands gourous du management, Henry Mintzberg, nous avait déjà alertés, sur la dérive dans la formation de nos élites, dans un ouvrage décapant : Des managers, des vrais ! Pas des MBA : Un regard critique sur le management et son enseignement (éditions d'Organisation, février 2005).

Il y fustigeait notamment le principe des études de cas qui amènent les étudiants à prendre, en une journée, plus de décisions stratégiques qu’un vrai chef d’entreprise en un mois, les habituant ainsi à trancher sur des enjeux qu'ils ne connaissent que très peu. Ainsi, on les conduit à développer une capacité à décider à court terme, certes, mais pour quel impact dans le cadre d’un jeu ? Le problème, c'est que développer cette confiance, sans compétence ni expérience, va les conduire à l'arrogance.

Dans la vraie vie, on a ainsi vu arriver de véritables mercenaires (le mot est de Mintzberg) sur leur blanc destrier, ayant forgé des stratégies avant même d’avoir posé le pied dans l’entreprise, jonglant avec l’argent des actionnaires et la vie de leur "ressources humaines", sûrs d’avoir une prime en cas de réussite ou un parachute doré en cas d’échec...

Et c’est précisément là que l’on voit se rejoindre notre gourou canadien et notre "trublion" française.

Pour lui, la crise des subprimes est exemplaire de cette gestion à court ou très court terme, « menée par des managers eux-mêmes bernés par un discours idéologique déguisé en évidence naturelle » et qui les amène à faire courir des risques inconsidérés à leur entreprise.

Pour elle, les grandes business schools ont une part de responsabilité essentielle dans la crise financière de 2008. HEC, mais aussi les autres business schools françaises, comme les américaines, enseignent la maitrise des techniques financières et marketing, elles forment même des as du marketing et des champions de la finance: la culture du doute n’y est pas de mise. Nos élites sont mal formées, ou plutôt, très bien formées au modèle MMPRDC : Make More Money, the Rest I Don’t Care.
Il apparait un déséquilibre dans la formation de nos élites car les sciences humaines et morales y ont une trop petite place. Les managers sont nourris d’élitisme et de performance et c’est bien là que le bât blesse.

Mais, alors que les doyens de deux des plus prestigieuses universités américaines (Harvard Business School et Chicago Booth Business School) ont reconnu, courant 2009, leur part de responsabilité dans la crise des subprimes, du coté de nos french business schools, le mea culpa tarde à venir.
La formation au MANAGEMENT en tant qu’ensemble de techniques à connaitre, à appliquer et à échouer, puis à réussir, ne fait pas partie des programme de formation de nos business schools.

Il y a 3 ans, je suis retourné sur les bancs de l’école pour faire un master, en formation continue, à l’ESSEC, mon épouse un Executive MBA : Aucun des deux programmes n’intégrait de cours de management des hommes.

A croire que le thème du management relèverait de l’inné plutôt que de l’acquis...
Que mon propos ne soit pas mal interprété : La qualité de la formation est d’un excellent niveau à l’ESSEC (et à HEC aussi d’ailleurs !!) notamment en finances et en marketing. Il ne s'agit pas de stigmatiser une école, mais de s'interroger sur l'esprit de ces grandes écoles de « gestion » et de « management » : l'enseignement est-il adapté aux nouveaux enjeux sociaux, humains, environnementaux ? Fournit-il aux futurs dirigeants des grilles de valeurs fondées sur une nouvelle approche des finalités de l'entreprise ?
Ok pour une formation où la culture du résultat est présente mais en respectant l’écologie de la personne, l'éthique, et en développant le plaisir du jeu dans nos entreprises.

On ne se marre pas assez, surtout en ce moment, dans nos organisations !!

Quel dommage que Florence Noiville n’ait pas mis en ligne un blog en complément de son ouvrage. La toile aurait davantage relayé ses propos et généré de fougueux débats !!

Publié dans Carnets de lectures

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"Aucun des deux programmes n’intégrait de cours de management des hommes"Il fallait choisir le MG hospitalier : Eric Jauffret, disciple de Réné Girard (pas le coach de Montpellier ;-p), y intervient sur 2 jours et ses cours sur la gestion des conflits et la matrice de la créativité sont déstabilisants et porteurs de sens pour les métiers du management.On a eu le droit aussi, tout au long de l'année, à des interventions de Jean-Marie Fessler, Docteur en Éthique Médicale, notamment sur les impacts de la crise financière sur la confiance collective.C'est peut-être le domaine de la santé qui veut que la formation de manager et l'appréhension de l'éthique soient liées... Je ne m'en plains pas !
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