Le Chemin des Dames ou l'art de la décision

Publié le par Benjamin Thierry

 

 

Doit-on encore présenter Bruno Jarrosson ? Consultant en stratégie,  expert auprès de l’APM,  (Association  Progrès du Management),  conférencier et auteur de plusieurs ouvrages sur la stratégie, la décision et le temps. 


Mais, le saviez-vous, Bruno Jarrosson est également auteur de théâtre et reprend ses thèmes de prédilection (stratégie, philosophie, histoire) dans une pièce qui met en scène les décideurs politiques et militaires français, à la veille de la bataille du Chemin des Dames.


Avec simplicité, profondeur et humour, Bruno Jarrosson nous amène à réfléchir sur les enjeux et les écueils de la décision, et nous éclaire sur  les travers et incohérences des décideurs. Des dialogues croustillants, servis par des comédiens remarquables, redonnent ainsi vie à un épisode majeur de l’Histoire.


Cette pièce, que Bruno Jarrosson propose aux entreprises,  est suivie d’une conférence sur l’art de la décision. C’est avec plaisir que nous partageons ses conclusions avec les  lecteurs du blog Club EthiK !

 

 

 

Le contexte


chemindesdames.jpgEn avril 1917, le général en chef de l’armée française, Robert Nivelle, prévoit une attaque massive au Chemin des Dames : 800 000 hommes et 3000 canons.


Mais le plan d’attaque ne fait pas l’unanimité. De nombreux généraux font part de leur réserve au gouvernement. Après une enquête approfondie, Paul Painlevé, Ministre de la Guerre fraîchement nommé, se positionne contre Nivelle.
Face à ses dissensions, qui affaiblissent l’armée et le commandement, Raymond Poincaré, Président de la République, convie Alexandre Ribot, Président du Conseil, Paul Painlevé, le Général Nivelle et les généraux Joseph Micheler et Philippe Pétain.


A l’ordre du jour : faut-il maintenir ou annuler la grande offensive ?


Les points de vue et les ambitions des six hommes s’affrontent. Leur décision scellera le sort de milliers d’autres.

 

 

 

Le Chemin des Dames décrypté par Bruno Jarrosson


  

Intelligence, courage, influence et pragmatisme

Nous assistons, en fait, à deux batailles dans la bataille !


La première, entre intelligence et courage.  
Dans ce combat, la lucidité et l’analyse de Painlevé (contre l’offensive Nivelle) est vaincue par l’audace de Nivelle, seul personnage prêt à aller jusqu’au bout (y compris présenter sa démission) pour défendre ses idées. La plupart du temps, le courage (même exagéré) l’emporte sur l’intelligence… au détriment de la pertinence des décisions prise.


La deuxième, entre influence et  pragmatisme. 
D’un côté, Pétain et Painlevé, qui prennent en compte les réalités (la mitrailleuse rend la défense allemande supérieure à l’attaque), mais qui au final, sont peu entendus. De l’autre, un Nivelle adroit et charismatique… mais tellement éloigné du terrain qu’il semble avoir oublié que « le feu tue ».


Parmi les 6 personnages présents, aucun véritable décideur : c’est-à-dire intelligent ET courageux, influent ET pragmatique. 
Pas même Poincaré, qui s’en rapproche, mais qui finalement ne parvient pas à trancher. Vu l’enjeu de la décision, c’est quand même… tuant.

 

 

Pourquoi c’est si dur de décider ?


La décision confronte le décideur à une incertitude radicale. L’information n’est jamais parfaite, et les prévisions, aussi savantes soient-elles, sont toujours hasardeuses. Une "bonne" décision à un moment donné peut même se révéler mauvaise sur un horizon plus large. La décision est un exercice douloureux car nous sommes tentés de réduire cette incertitude.


D’autre part, la décision n’a pas d’inverse : «ne pas décider» est une décision. Impossible, donc, d’y couper. Cette absence de fuite possible renvoie le décideur à sa solitude. Les décideurs les plus influents sont d’ailleurs ceux qui assument le mieux cette solitude.


Enfin, toute décision a un enjeu, qui peut dans certains cas être énorme. Notre vie entière dépend de la suite des décisions que nous avons prises (ou pas). Ni plus, ni moins. Et pourtant, l’art de la décision s’apprend toujours « sur le tard » !

 

 

Alors c’est quoi « bien décider» ?

 

Pour conclure Bruno Jarrosson nous livre 7 conseils, non pas pour mieux décider (ce serait trop facile !!), mais au moins pour mieux appréhender la prise de décision.


1. Décidez avec vos émotions (ou intuitions), mais analysez avant. La décision n’est jamais totalement rationnelle, et le courage l’emporte sur l’intelligence… mais si cette dernière n’est pas présente, les pires désastres sont à craindre !

 

2. Cherchez à prendre une décision acceptable plutôt qu’une « bonne » décision. Il s’agit là d’une posture d’humilité. Une décision peut être « bonne » à un moment donné, avec des éléments donnés, et se révéler mauvaise sur une échelle temps plus large.

 

3. Préférez les scénarii aux prévisions. Comme le dit Pierre Dac, « la prévision est difficile, surtout lorsqu’elle concerne l’avenir ! ».

 

4. Raisonnez, mais ne croyez pas trop aux raisonnements. Encore une posture d’humilité. Les raisonnements les plus séduisants cachent souvent la tentation (vaine) de maîtriser l’incertitude.

 

5. Donnez-vous des objectifs limités. Il n'y a pas de décision qui soit "bonne" dans l'absolu. Pour ne pas être paralysé par les enjeux, et parce que l’information n’est jamais complète, il est utile de décider en fonction d’un objectif et d’un horizon de temps donnés.

 

6. Confrontez vos croyances à la réalité observable. Sans quoi vous pourriez jouer le rôle de Nivelle, l’idéologue charismatique !

 

7. Restez toujours conscients que le décideur est à lui-même son propre risque. Ce n’est pas l’incertitude qui nous met en danger, mais nos œillères, lorsque la décision est déjà jouée dans notre « boîte noire ».

 

 

 

 

 

 

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